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Ju-Jitsu
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(Magazine «Karaté-Bushido», Paris - Interview par Pierre-Yves Bénoliel, rédacteur en chef)

Ju-Jitsu: le retour aux sources

Dans les années 30 le père de Stefano Surace a appris auprès de 2 experts japonais une méthode ancienne de Ju-Jitsu. Aujourd’hui son fils enseigne à Paris.

Agé de 55 ans, Stefano Surace est italien. Correspondant à Paris d’une agence de presse romaine, il vit en France depuis 7 ans. Mais si nous vous le présentons aujourd’hui, ce n’est pas pour ses talents de journaliste. En effet, Stefano Surace enseigne une méthode de ju-jitsu ancien d’une remarquable efficacité.

Convaincu après avoir assisté à un cours, Sylvain Salvini nous l’a fait connaître. A votre tour aujourd’hui de découvrir ce passionnant maître sicilien.

Karaté-Bushido: Monsieur Surace, votre cas est assez exceptionnel. Pourriez-vous nous l’expliquer brièvement.

Stefano Surace: Je suis italien, et j’ai commencé à pratiquer le ju-jitsu avec mon père, en 1943, à l’âge de 10 ans. Mon père était l’un des dirigeants des mouvements de jeunesse mis sur pied par Mussolini. il avait été chargé de diffuser le jujitsu dans la jeunesse vers les années 30.

A cette fin, il enseignait à l’Académie d’Education Physique de Rome et était en contact avec 2 experts japonais, les maîtres ishiguro, 7e dan, et Matakatzu, 3e dan. Ces experts venaient du Butokukai de Kyoto.

Malheureusement, la guerre a interrompu ce programme. A la fin de la guerre, les experts du Butokukai ont été persécutés. Mon père les a aidés, et pour le remercier ils lui ont enseigné des techniques jusqu’alors secrètes, avec obligation de ne pas les divulguer.

Mon père m’a transmis ces techniques (j’étais son fils aîné), mais il ne les a jamais enseignées à d’autres. il s’agissait de la méthode de ju-jitsu mise au point par les experts du Butokukai.

S’il me les a enseignées, c’est pour que je puisse me défendre. Je suis né en Sicile en 1933. Avec la guerre, ma famille a dû partir dans le Nord de l’ltalie. A cause de mon accent, à l’école, je devais sans cesse me battre contre des garçons plus âgés que moi. Voyant cela, mon père, au cours d’une permission, a décidé de m’apprendre le ju-jitsu. Pendant quinze jours, je me suis entraîné 4 heures le matin et 4 heures l’après-midi. Ce n’était pas par hasard: au Butokukai, on s’entraînait 8 heures par jour (contre 3 heures pour le Kodokan, le dojo de judo du maître Jigoro Kano).

Ainsi, en deux semaines, mon père m’apprit l’essentiel de sa méthode. Lorsque je suis retourné à l’école, j’ai fait des ravages! A cette époque, avec la guerre, les enfants étaient un peu abandonnés à eux mêmes. Nous formions des bandes, et les bagarres étaient fréquentes. Durant cette période, j’ai pu constater l’efficacité absolue de cette méthode de ju-jitsu.

Plus tard, j’ai eu l’occasion de m’entraîner avec maître Otani, à Naples. Quand il a vu ma technique, il m’a demandé où je l’avais apprise. Je lui ai raconté mon histoire, et il a simplement répondu: «Cela regarde l’Empereur !». Le Butokukai de Kyoto dépendait directement de l’Empereur.

Dans mon métier de journaliste, il m’est arrivé plusieurs fois de me tirer d’affaire grâce à ces techniques.

K.B.: A votre avis, quelle est la différence entre ce ju-jitsu ancien et ce qu’on enseigne en général ?

S.S.: Les Japonais ont enseigné les techniques les moins évoluées. il y a des ressemblances, bien sûr, mais certains détails font toute la différence.

K.B.: Par exemple ?

S.S.: On dit toujours: le ju-jitsu est basé sur le principe qui consiste à utiliser la force de l’adversaire. C’est faux. On utilise l’inertie de l’adversaire, et aussi sa propre inertie. L’inertie, c’est la tendance à continuer un mouvement qu’on a démarré. Pendant un instant, on est prisonnier de cela.

De plus, dans notre méthode, on additionne sa propre inertie à celle de l’agresseur, un peu comme deux balles de billard: la première frappe, s’arrête, et transmet son inertie à la seconde. Dans notre cas, on tire l’agresseur au lieu de le pousser, mais le principe est le même. De cette façon, une jeune fille peut projeter un solide gaillard.

il y a utilisation de la gravité, c’est-à-dire du poids additionné de l’agressé et de l’agresseur. C’est le principe même du sutemi (mouvement sacrifice, type planchette japonaise).

C’est un peu ce que disait maître Ueshiba: dans l’aïkido, on utilise les mêmes forces que celles qui meuvent les astres. La Lune, par inertie, tend à aller droit. La gravité de la Terre l’attire et la fait tourner. Cela dit, notre méthode diffère de l’aïkido. En aïkido, on utilise l’inertie de l’autre et sa propre inertie, mais pas en l’additionnant: on cherche à aller contre l’inertie de l’adversaire. Tout est basé sur l’entrée (irimi). Or, pour nous, entrer, c’est s’exposer. Nous utilisons ces techniques seulement face à un adversaire armé (sabre, bâton...), car là, on ne peut plus reculer.

En fait, l’aïkido provient d’une partie du ju-jitsu ancien, celle qui concerne le combat à mains nues contre sabre. Celui qui est désarmé ne peut pas se contenter d’esquiver: il doit rentrer dans l’attaque. Mais il y a autre chose. Certaines techniques naissent du fait que celui qui a le sabre est parfois empêché de dégainer, l’autre le bloque. Alors l’escrimeur est obligé de projeter son adversaire pour se dégager. Cela explique certaines techniques qui semblent irrationnelles dans l’aïkido.

K.B.: Dans votre méthode, on trouve beaucoup de sutemi, les «mouvements sacrifices»?

S.S.: Oui. Par exemple, on se laisse aller au sol pour frapper l’adversaire d’un coup de pied. Ou encore on l’amène au sol en appuyant sur son genou. C’est une forme combinée de luxation (kansetsu) et de sutemi. Si l’adversaire résiste, le genou cède.

K.B.: Un autre principe consiste à appliquer une même défense sur plusieurs attaques ?

S.S.: ll ne s’agit pas tout à fait de la même défense. Ce qui est important, c’est ce qui précède la technique, le tai sabaki. Cette esquive est choisie par l’agressé sans même savoir quelle sera l’attaque.

il existe un certain nombre de tai-sabaki polyvalents qui permettent de faire face à n’importe quelle attaque. J’en démontre un sur les photos qui illustrent ce reportage, le tai-sabaki arrière. il en existe 6 formes à ma connaissance.

K.B.: Autre caractéristique de votre méthode, avoir le moins de contact possible avec l’adversaire?

S.S.: D’abord, on ne doit jamais entrer, pour ne pas s’exposer dans un combat réel. Le seul cas où l’on puisse le faire, c’est quand l’adversaire est bloqué par sa propre inertie. Et encore, on n’entre pas avec tout le corps, seulement avec le pied ou le bras.

On suppose toujours que l’adversaire est 4 fois plus fort que soi, donc on évite le corps-à-corps.

K.B.: Parlez-nous un peu des atémis que vous utilisez.

S.S.: On évite d’attaquer les points vitaux où un coup peut être mortel. A la base, cette méthode reste non-violente. Mais il existe un certain nombre de points très sensibles où l’adversaire ne peut résister à une pression: il est obligé de suivre le mouvement. Par exemple, sous le menton. D’autre part, on donne les coups de pieds pas plus haut que la ceinture, et toujours sur des points sensibles.

K.B.: Vous utilisez aussi les clés ?

S.S.: Oui, bien sûr, les clés de bras, et même les clés de pieds. Notre méthode comprend atémis, clés et projections, et certains mouvements combinent ces trois techniques.

Chez nous la technique se fait toujours en un seul temps. qui coïncide avec le temps d’attaque de l’adversaire. La plupart des techniques de self-défense qu’on retrouve un peu partout sont irréalistes. De plus, notre méthode donne une efficacité réelle et non violente: cela efface la peur, à la fois la peur d’être blessé et celle de blesser l’autre. On arrive ainsi à la sérénité.

A mon avis, c’est ce qui fait toute la différence entre les arts martiaux orientaux et ceux de l’Occident. influencés par le bouddhisme, les Orientaux ont été obligés d’élaborer des techniques efficaces qui ne portent pas atteinte à l’intégrité physique de leurs adversaires. Vu leur grande efficacité, ces techniques ont été ensuite adoptées par les castes militaires.

Pierre-Yves Bénoliel, Rédacteur en chef


Discours sur la méthode

Les techniques sont importantes, mais plus importants sont certains mouvements qui sont exécutés avant les techniques (tai sabaki «polyvalents»).

Caractéristiques d’une bonne technique:

1) Elle peut être appliquée avec des adversaires 5 fois plus forts et sans les blesser grièvement.

2) Quand on l’exécute, elle ne doit jamais exposer, même pas pendant un instant, un des points sensibles de l’exécutant

3) Elle doit être difficile a contrer.

4) Dans le cas où on la raterait, elle doit permettre un enchaînement immédiat avec une autre technique «bonne».

5) Elle doit s’exécuter en un seul temps (coïncidant avec le temps d’attaque de l’adversaire) ou au maximum en deux temps.

6) Elle peut être pratiquée sans échauffement préalable.

7) Elle peut être exécutée presque à tout âge.

Principes:

1) La méthode est fondée sur l’addition de sa propre inertie et de celle de l’adversaire.

2) il ne faut jamais s’opposer, non seulement à l’inertie de l’adversaire, mais également à sa propre inertie.

3) Si l’on s’oppose à sa propre inertie, on en reste prisonnier (ne serait ce qu’un instant) et on devient vulnérable

4) On tire profit du fait que chacun ne peut pas se passer de sa propre inertie.

5)il ne faut pratiquement jamais «entrer» ce qui revient à s’exposer. il faut pousser 1’adversaire à «entrer».

6) On peut «entrer» seulement si se vérifient certaines conditions précises: par exemple si l’adversaire est bloqué par son inertie. Formation: Cette méthode efface la peur (d’être blessé et de blesser) et modifie positivement la personnalité (plus sereine, etc.). Cela vient du fait que l’on acquiert une efficacité réelle et non violente.

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