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Ju-Jitsu
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Témoignages

(par qui a pratiqué du Surace Ju-Jitsu)


Christian Pingeaut

Psychologue clinicien et psychothérapeute. Professeur universitaire

Ma rencontre avec le Ju Jitsu Butokukai s’est faite en octobre 93.

Je cherchais un sport qui n’en soit pas tout à fait un.

Je ne voulais pas bouger pour bouger, mais aussi apprendre quelque chose d’utile en même temps.

Les arts martiaux m’avaient toujours attiré par leur esthétisme et la philosophie qui les accompagne.

J’avais essayé à l’âge de 20 ans le judo et l’aikido, mais à cette époque j’avais déjà le sentiment qu’il m’aurait été difficile d’utiliser ce que j’y apprenais dans une situation réelle.

C’est le terme «self-défense» accompagnant l’affiche de présentation du JuJitsu Butokukai à l’université qui m’attira d’abord.

Bien sûr, ce n’est pas dans mon métier que je risquais d’être attaqué physiquement, mais j’étais quelquefois agressé au niveau psychologique.

il était aussi écrit que l’enseignant était un Maître de niveau 10ème dan, ce qui était très rassurant sur la qualité à venir, et cela aussi m’influença.

Finalement, je me retrouvai un soir avec une trentaine de personnes dans un dojo qui n’avait pas de tatamis, à écouter un Maître avec un accent peu asiatique, plutôt italien même!

Changements obtenus dans la relation à mon propre corps - Après les premiers cours, je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas finalement être un grand sportif pour faire des arts martiaux, ou plutôt cet art martial.

J’avais la croyance qu’il fallait faire beaucoup de gymnastique et développer mes muscles plus qu’ils ne l’étaient, pour pratiquer convenablement.

Pourtant j’étais et je suis loin d’être chétif, au contraire.

Je me référais à ce que je voyais chez les karatékas, dans les magazines, dans les films, ou de ce que l’on m’avait raconté.

Je pensais que ma progression allait très vite être limitée par mes capacités physiques.

Je ne pouvais pas imaginer obtenir si rapidement une ceinture noire, et encore moins enseigner moi-même le JuJitsu.

Je me vivais comme un intellectuel et non comme quelqu’un de très «corporel».

Au fur et à mesure de ma pratique, je confirmais ma vision d’être finalement plus «corporel» que je me le faisais croire, et découvrais que le JuJitsu butokukai n’était décidément pas tout à fait un sport.

J’ai continué à améliorer la relation avec mon corps que je négligeais parfois, à cause du mode de vie sédentaire typique des grandes villes ou de certains métiers, avec les conséquences qui en découlent.

C’est peut-être cette nouvelle relation qui m’a permis d’améliorer encore ma mémoire kinesthésique.

Cela m’a surpris de découvrir que je me souvenais assez facilement des mouvements, quelquefois complexes en apparence, des techniques enseignées.

Je pense que le plaisir que j’éprouvais à pratiquer, à progresser, le contexte d’aide réciproque et d’ouverture qui régnait sur le dojo m’aidaient aussi à tout cela.

C’est peut-être pour toutes ces raisons, pour ce plaisir de maîtriser mon corps avec l’objectif du geste précis et efficace que j’ai continué mon entraînement, même malgré moi.

il faut dire que souvent après une journée de travail fatigante, alors qu’il faisait nuit et froid dehors en plein mois de janvier, je rentrais chez moi vers 19h pour y prendre mon kimono et là, je n’avais aucune envie de ressortir pour suivre le cours.

Le relâchement de la journée me disait de rester bien au chaud à la maison avec mon amie qui venait de rentrer.

Mais quand je me forçais, j’avoue que je ne le regrettais pas. il m’arrivait de me sentir plus reposé et plus détendu à la fin du cours qu’au début.

La peur des coups de l’autre. La peur de lui faire mal - Au début, j’avais à la fois peur de l’autre, de son agressivité, mais aussi peur de lui faire mal sans le vouloir.

Ayant en moyenne quinze ans de plus que la plupart des participants, je ne savais plus si la jeunesse de ces étudiants était pour moi un handicap ou un avantage (plus de recul et de maturité).

Avec le temps, j’ai compris que cette discipline était praticable à n’importe quel âge.

Je savais intellectuellement que les peurs, que cette agressivité favorisait, n’étaient pas fondées.

Mais c’est la pratique qui me permettait d’intégrer cette vérité.

En effet, la philosophie du JuJitsu vise d’abord à neutraliser l’adversaire en évitant de lui faire du mal inutilement.

Le fait que cette philosophie n’était pas un simple slogan, mais était véritablement appliquée me rassurait et me plaçait alors dans un climat de protection et de respect mutuel.

J’ai appris progressivement à contrôler mes attaques, à maîtriser mes actions et constatant qu’il en était de même pour les autres, cela atténua finalement mes diverses peurs.

Et puis en étant concentré sur le moindre mouvement de l’autre, en gardant ma pleine lucidité pour agir au moment où il faut le faire, ni avant, ni après, je ne pense plus à ma peur, elle laisse la place à une attention entière, ici et maintenant.

C’est comme un état d’hypnose où la peur peut progressivement s’anesthésier.

Celle-ci était quelquefois associée à la peur d’une force brutale, et donc dangereuse.

Mais je passe beaucoup de temps, au cours d’un combat, à chercher comment utiliser principalement deux forces naturelles contre l’adversaire: son inertie et la gravité.

La force brutale pouvant être contrôlée, ma peur s’atténue là encore.

En fait dans le jujitsu la brutalité est dangereuse pour qui l’utilise.

Maître Stefano Surace nous à souvent dit que notre peur, pendant les combats, était très archaïque.

C’est un réflexe de survie animal très bien analysé par Henri Laborit, biologiste français ayant écrit notamment «La nouvelle grille» et «éloge de la fuite», livres très connus et reconnus où il expose tout cela.

J’ai ressenti cette dimension archaïque et réflexe en moi, et il y avait autre chose: les croyances préconscientes et inconscientes que j’avais encore sur moi-même, sur mon identité et ma nature, sur mes limites.

Ce sont elles qui nous font dire «je ne peux pas y arriver, car j’ai toujours été comme ceci ou cela».

J’ai gagné en assertivité - Ainsi, quand j’ai commencé à pratiquer, je me vivais et me définissais comme un être plutôt doux et pacifique. C’était ma croyance initiale, mais ce n’était qu’une croyance qui dans la vie me limitait plus que je ne le pensais.

Et puis j’ai développé ma confiance en moi et mon assurance face à l’autre pendant les combats.

Par exemple, je ne faisais plus le geste d’un coup de pied, je donnais ce coup de pied avec maîtrise.

J’avais changé. Comme quelquefois face à un changement, j’étais passé de tout à rien, et je soupçonnais alors qu’une personnalité méchante et agressive existait sous l’écorce.

il est classique de raisonner en binaire quand on se découvre différent de ce que l’on croyait.

Bien sûr, il n’en était rien. J’avais fait un instant un amalgame entre prendre la place qui me revient et être méchant, et cela expliquait mon léger sentiment de culpabilité quand je gagnais sur l’autre.

Je retrouvais là encore des données déjà explorées dans mon activité thérapeutique.

En réalité, je ne suis ni dur, ni doux mais simplement plus affirmé.

Je peux plus facilement prendre ma place, une juste place, face à l’autre en prenant en compte justement celle de l’autre.

il en est de même en JuJitsu.

Face à l’adversaire, je pouvais prendre plus de risques en cassant la distance de protection (le ma-aï) pour attaquer, car j’étais capable de mieux me défendre.

Ne pas fuir face à l’agression de l’autre, ne pas chercher à le détruire non plus, mais rester à bonne distance en s’affirmant, en prenant donc sa place légitime où chacun existe face à l’autre pour finir par exister avec l’autre.

D’ailleurs trouver sa vraie place, dans la société comme dans la vie, me semble être la chose la plus difficile, la plus partagée et la plus importante.

Et je crois que c’est simplement cela l’assertivité, la pleine confiance en soi.

Tout cet acquis obtenu par le JuJitsu est donc immédiatement transférable dans la vie quotidienne, professionnelle et personnelle.

Par exemple, comme pendant les combats, j’ai pu me sentir plus centré en moi-même et déterminé, d’où mon engagement dans des actions au sein d’une association professionnelle dont l’un des principaux objectifs était d’aider ses membres à mieux défendre leurs droits.

J’ai commencé à y prendre des responsabilités.

Je m’exposais plus ouvertement, je maintenais mon avis même si j’étais le seul à l’avoir.

J’avais appris auparavant à ne plus croire qu’avoir tort et être le seul à voir tel avis, c’était la même chose, et inversement.

Mais j’avais développé aujourd’hui les moyens de mieux vivre et expérimenter cette vieille vérité.

C’est une stratégie Butokukai que j’ai suggéré d’utiliser.

En voici les principales étapes appliquées aux relations sociales avec, entre parenthèses, l’action d’origine propre au JuJitsu.

Remarquons que l’analogie s’arrête ici car, dans la réalité d’un combat, l’ensemble de ces étapes est effectué en un seul mouvement, contrairement aux relations sociales, personnelles ou institutionnelles:

- Rester à distance protectrice de l’autre (le ma-aï);

- Savoir se replier rapidement pour que l’ «attaquant» ne trouve que le vide (le taï sabaki);

- Contre-attaquer lorsque l’autre est bloqué par son habitude ou son cadre de référence psychologique (inertie de l’adversaire);

- Veiller à ne jamais montrer les points faibles de son argumentation (ne pas exposer les parties vitales de son corps);

- Se saisir de l’adversaire, lui appliquer une technique en s’aidant des «forces légales» contre lui (utilisation de la gravité et de l’inertie);

- Le neutraliser en veillant à son intégrité, puis le calmer et parlementer ou aller en justice en faisant un procès (immobilisation par un étranglement ou une clé pour calmer l’agresseur, explications pour qu’il s’aperçoive qu’il s’était, par exemple, mis en colère sur un quiproquo, ou visite au poste de police si nécessaire).

Avec le JuJitsu, nous avons donc l’avantage d’une stratégie identique face à deux types possibles d’agression, physique et psychologique. Dans les deux cas j’ai pu expérimenter son efficacité.

J’ai envie de faire partager cette expérience à d’autres - Quand je fais le bilan de ce que le JuJitsu m’a apporté personnellement, j’ai envie que d’autres puissent en acquérir des bénéfices similaires.

Bien sûr, j’avais déjà l’apport et le soutien de ma propre formation en psychothérapie, mais j’ai trouvé quelque chose que l’on ne trouve pas en celle-ci, qu’elle soit de groupe ou en individuel.

J’y ai trouvé le moyen de coupler le travail sur les émotions du niveau ontogénétique et personnel avec le niveau phylogénétique (cerveau reptilien), c’est-à-dire un niveau plus archaïque et en même temps très présent et actif dans le quotidien.

La question se pose alors de savoir si l’on peut travailler sur ces émotions et obtenir les mêmes effets positifs par d’autres méthodes.

il y a l’approche Jungienne des rêves qui permet de travailler sur ce niveau.

il y a aussi certaines techniques de régression comme le rebirth ou celles de la bioénergie que j’utilise quelquefois.

il existe enfin des techniques de respiration issues des travaux de S. Grof, fondateur de la psychologie transpersonnelle, et qui visent justement à atteindre une régression allant au delà de son histoire propre.

Mais toutes ces méthodes sont souvent trop longues et incertaines pour contacter précisément ses peurs archaïques et les maîtriser.

De plus, le niveau de régression obtenu avec le rebirth ou la bioénergie concerne plus souvent ce qui appartient à l’histoire de la personne, pas ce qui la dépasse.

A propos du niveau visé, celui des instincts et des peurs animales, rappelons que dans certaines situations dangereuses, réagir avec son instinct d’animal humain peut être inapproprié, car activant des patterns de comportement (certains archétypes jungiens) totalement inefficaces par rapport aux dangers de la condition humaine actuelle.

C’est donc le néocortex qui doit prendre le contrôle en utilisant des programmes de comportements plus sophistiqués, les réflexes appris (tels ceux du JuJitsu) et qui pourraient s’inscrire dans le second étage du cerveau, le cortex limbique propre aux mammifères.

Cette lecture s’appuie ici sur l’hypothèse des trois cerveaux de l’homme, qui selon Paul Mac Lean conserverait dans sa structure la trace active des étapes de l’évolution des espèces.

Ainsi l’homme pourrait assurer sa défense et sa survie là où l’animal échouerait (ou ce qu’il y a d’animal en lui, le dirigeant à son insu).

L’on peut donc dire aujourd’hui que la pratique du Ju Jitsu Butokukai permet de contrôler, puis de dissoudre ses peurs rapidement et durablement.

Je peux affirmer cela avec toute la prudence scientifique indispensable dans ce domaine.

J’y ai trouvé aussi des principes très efficaces et utiles, une philosophie basée sur le respect de l’autre, ainsi qu’une ambiance entre les pratiquants rarement

L’aide est toujours présente et réciproque. Ceux qui en savent un peu plus forment, conseillent, soutiennent ceux qui en savent un peu moins.

La rivalité y est vraiment minimale. J’ai surtout ressenti le désir de grandir ensemble.

Ce que je dis n’est pas une idéalisation, c’est une constatation, renforcée néanmoins par une sélection, opérée rigoureusement par le maître, entre ceux qui viennent pour «apprendre à cogner au plus vite» et ceux qui cherchent une défense efficace et portent en eux le désir d’apprendre à dépasser ses propres conflits dans une ouverture à l’autre.

Ce désir que des amis, puis finalement le plus grand nombre, bénéficient de tous ces apports en pratiquant eux aussi le ju jitsu, m’a donné l’idée de stages de développement personnel sur la confiance en soi en utilisant le JuJitsu butokukai.

il est vrai que ces types de stages peuvent faire appel à des techniques corporelles comme le yoga, la relaxation ou le shiatsu, ou même la bioénergie.

Mais il y a une différence essentielle: le noyau archaïque phylogénétique (cerveau reptilien) de la personne n’est pas sollicité comme c’est le cas avec le combat en JuJitsu Butokukai

étant amené par ailleurs à animer des stages de formation continue en entreprise ou pour des professions libérales, j’ai pensé élargir le stage portant sur l’assertivité que je propose habituellement, à une initiation au JuJitsu.

Le matin, les participants expérimenteraient dans leur corps, en pratiquant cet art martial, le conflit, la peur de l’autre, de ses propres réactions, l’inhibition peut-être.

Bref, les limites souvent imposées par le mental et ses croyances.

Ces exercices seraient filmés à la vidéo pour que l’analyse de ce qui s’est passé soit associée au travail de l’après midi, qui serait un temps de parole et d’analyse de ce qui a été vécu, de jeux de rôles et d’apports théoriques.

Pour accompagner l’exploration de chacun dans la connaissance de son fonctionnement, j’utilise généralement les travaux de Freud ou d’Adler concernant l’agressivité ainsi que la grille de décodage des comportements humains que constitue l’analyse transactionnelle.

Lors d’un combat social ou physique, les transactions ou dialogues internes qui peuvent défiler dans la tête des protagonistes sont souvent riches et nombreux.

C’est surtout cette situation de stress à la fois existentiel et inoffensif qui va permettre au participant d’avancer vite et à la profondeur qu’il souhaite sur la voie d’une meilleure confiance en soi.

Le niveau d’exploration des peurs de chacun ne se fera, bien sûr, que par rapport à l’objectif visé: dans le cadre de l’entreprise, apprendre à gérer des relations conflictuelles au travail, dans le management d’une équipe ou avec un hiérarchique.

Dans le cadre d’un stage ouvert à tous, à tous ceux qui en ressentent le besoin, l’on pourra aller un peu plus loin tout en restant au niveau du développement personnel et non de la thérapie.

Ainsi, si j’avais su, il y a deux ans, toutes les conséquences positives qui m’attendaient en rentrant dans cette salle de sport, c’est-à-dire:

- le développement de sa confiance en soi;

- la résorption de certains blocages et conflits psychiques;

- le plein d’énergie et de détente obtenus à la fin d’un cours;

- le plaisir retrouvé de la relation à son corps;

- un meilleur contrôle de soi, de son agressivité et de ses peurs;

- des relations plus harmonieuses en solidarité avec les autres;

- la substitution de réflexes dangereux, car inappropriés, par des réflexes efficaces et intelligents utilisant des forces naturelles et permettant de battre un adversaire quatre fois plus fort que soi;

- le transfert de tous ces bénéfices à ses relations sociales et à la gestion du stress;

- le projet d’intégration du JuJitsu dans un de mes stages de développement personnel;

- la mise au point d’une stratégie d’action relationnelle basée sur celle du JuJitsu;

...et bien... je crois que je n’aurais pas hésité à y rentrer!

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